Secret 23
Publié le 18 Octobre 2020
Secret 23
Nous avions une bonne connaissance des ressources de notre royaume. Les bons cerisiers, les meilleures figues, le champ où l’on pouvait tranquillement voler les melons, les pèches, les pommes, et savions où trouver les pieds de raisins de table (le plus souvent du Muscat) que l’on dénichait au milieu des vignes à vin. On ne mangeait pas tout sur celles-là, nous supposions que ça servait à récompenser les vendangeurs.
Sur la route du mas de Nages, le grand champ était bordé de cerisiers centenaires, avec des cerises inoubliables. Le propriétaire EB, un des plus riches paysans du village, alcoolique et vilain, portant une casquette noire collée par la crasse à son crâne, sur son lit de mort, demanda à son fermier de couper tous les cerisiers. « Je ne veux pas qu’on en profite après moi » aurait-il dit. Tous les cerisiers ont été abattus.
Nous avions des aptitudes au bricolage, pour nous fabriquer toutes sortes d’outils de jet, la flèche polynésienne était la plus efficace, le lance-pierre rentrait dans une poche, l’arc le plus puissant ; avec toutes ces armes nous n’avons jamais tué quoi que ce soi. Certains d’entre nous, comme leur papa, partaient à la chasse. La passée aux grives le soir, les lièvres et les poules d’eau. Ceux qui avaient des relations chassaient en Camargue dans des chasses privées le canard colvert. J’ai toujours eu le sentiment que la Camargue était un immense terrain privé, où seuls les courtisans des grands manadiers et autres riziculteurs avaient leurs entrées.
J’ai tiré au fusil de chasse, mais sur des pancartes de propriétés privées, ou en l’air.
Nous étions adaptés à notre territoire, toutes les bonnes planques, les passages couverts,les observatoires, et les bons endroits pour chaparder des fruits et légumes n’avaient aucun secret pour nous.
À suivre…